Le Dakar Music Festival, qui met l’accent sur les concerts live et les prestations de DJ d’horizons divers pendant dix jours, vient de boucler sa deuxième édition dans la capitale sénégalaise et ses environs. Une manifestation qui semble trouver son public, mêlant résidents locaux et touristes.
La musique qui s’élève de la scène installée sur l’esplanade arrière du Monument de la Renaissance donne l’impression d’être dans une boîte de nuit à ciel ouvert. Ou à Ibiza, une des « capitales mondiales » des discothèques, dans l’archipel espagnol des Baléares. Un DJ à la manœuvre fait danser la foule. Il est presque deux heures du matin, ce dimanche 11 novembre 2018, certains ont fait plus de six heures de temps, il fait frais et le grand concert du deuxième Dakar Music Festival semble parti pour durer jusqu’à l’aube, selon l’affiche du jour comportant onze artistes et groupes.
Le public est très mélangé : Africains, Occidentaux, jeunes, moins jeunes. Certains sont venus en famille, incluant des adolescents ou des plus petits. Mariama, étudiante sénégalaise en droit qui tait son nom, a eu vent de l’évènement « par Facebook » dit-elle. « Ce n’est pas très courant à Dakar, comme festival. C’est une occasion pour découvrir différents types de musique. » Elle ne connaît pas tous les artistes programmés mais trouve qu’ « il y a de l’ambiance« . Parmi les spectateurs, certains ont fait la connaissance cette soirée-là des DJ Raphaël Scemama (France), Gauthier DM (France), Mizz Martinez (Espagne) ou de l’énergique chanteuse-slammeuse Mauaya Jua (Congo). Mais ils ont semblé retrouver leurs marques avec des noms plus familiers, originaires du Sénégal : Sahad & The Nataal Patchwork ou Cheikh Lô, précédés sur scène par une bande d’impétueux percussionnistes, le Ngueweul Rythme.
Entre musique live et musique électronique
« La particularité » du Dakar Music Festival, c’est de « réunir la musique électronique et la musique live panafricaine, et notamment sénégalaise« , selon un de ses initiateurs, Edmond Scali, artiste français installé au Sénégal. Il s’exprimait en marge de la conférence de presse de lancement du festival, le 5 novembre. Autre particularité, selon son directeur Sophien Arrar, manageur d’artistes, alors que les manifestations de ce genre se déroulent en général sur un à trois jours, « notre festival, c’est 10 jours. Dix jours de musique, de découvertes de plusieurs endroits de la ville (…). Le format des festivals où vous trouvez de la musique live et des DJ n’existait pas, ou pas avant qu’on commence« . Selon M. Arrar, pour la 2e édition (8-18 novembre 2018), une trentaine d’artistes ont été invités de plusieurs pays : Sénégal, Espagne, Russie, France, Maroc, Tunisie, Algérie, Royaume-Uni notamment.
Avec, pour le public, un accès gratuit à « la plupart des évènements« , grâce à l’accompagnement de plusieurs partenaires, des privés comme des autorités sénégalaises, a souligné un autre des initiateurs, le promoteur sénégalais de spectacles Gaston Madeira.
Une manière de promouvoir « la destination Sénégal« , comme le rappellent les banderoles de l’Agence sénégalaise de promotion touristique (ASPT) visibles sur les différents lieux du festival. Selon l’ASPT, le tourisme est, après la pêche, « la deuxième source de devises » pour le Sénégal. En 2014, le pays a accueilli plus de 836 000 « touristes internationaux » ; l’objectif est « d’atteindre 3 millions de touristes à l’horizon 2023« , de même source.
Cette année, des festivaliers « sont venus de Norvège, d’Hollande, du Maroc, de Tunisie, de France, d’Espagne, etc« , a révélé Sophien Arrar dimanche soir, quelques heures après la clôture au Lac Rose, près de Dakar. Les chiffres sur la fréquentation ne sont pas encore disponibles, mais « c’est un réel succès« , s’est-il réjoui. « La 3e édition est déjà en préparation. Elle se tiendra en novembre 2019 sur le même format. »
Vers la digitalisation de la musique
Le Dakar Music Festival 2018 a aussi été marqué par une soirée de gala pour récolter des fonds pour des associations et a permis, le 14 novembre, à des professionnels du secteur de la musique, dont des experts de la musique digitale, d’échanger, avec des jeunes artistes. L’occasion d’apprendre que la révolution du numérique est encore loin de profiter aux artistes au Sénégal, où la musique fait face à d’autres difficultés et contraintes, selon un tableau dépeint par Amina Diagne, qui a contribué à créer la première plateforme de téléchargement légal de musique via SMS au Sénégal, MusikBi, lancée en 2016.
La digitalisation de la musique est devenue « incontournable aujourd’hui« , affirme Mme Diagne, « qu’on le veuille ou pas, c’est le futur de l’industrie« . Pour tirer leur épingle du jeu, les Sénégalais doivent investir dans la formation et la spécialisation ; à défaut, « nous allons finir par être juste des consommateurs de notre propre produit. C’est un peu ce qui se passe avec le chocolat. (…) On produit la matière première et après, on consomme un produit fini de qualité » venu d’ailleurs. « Les technologies numériques ont transformé la chaîne de valeur culturelle et l’économie culturelle est de plus en plus numérique« , constate l’Unesco dans son rapport mondial 2018 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. Elle s’inquiète de la menace des « grandes plateformes en ligne » pour les autres acteurs « de la scène créative actuelle« . « La force d’une plateforme mondiale comme YouTube, par exemple, est si impressionnante que les autres acteurs ont peine à négocier un tarif équitable« , et YouTube « n’a rémunéré l’industrie qu’à hauteur de 1 dollar américain par utilisateur quand Spotify, qui jouit d’une clientèle bien plus réduite, versait 18 fois plus« , explique-t-elle.
« Je pense qu’il faut inventer plusieurs espaces pour la culture« , qui est « un moyen de développement« , a déclaré Sahad Sarr, de Sahad & The Nataal Patchwork, le 5 novembre. Le Dakar Music Festival représente une opportunité à saisir pour les artistes au Sénégal, a-t-il estimé : « Il faut promouvoir ce genre de festival, parce que la musique est hyper vaste« .
source: Dakar Music Festival, en live et électronique – RFI Musique